Macron vient de redire toute la culpabilité de la France, alors État Français, dans la rafle du Vel d'Hiv. En oubliant de préciser qu'il défend farouchement un héritage du même État français: la sécurité sociale. Reste à comprendre pourquoi le racisme de Vichy se conjuguait à une vision monopolistique de la protection sociale.
orsque l'Assemblée Nationale de l'époque transfère, le 10 juillet 1940, les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain (en dehors de toute procédure constitutionnelle, rappelons-le), commence l'ère sombre du régime de Vichy. Il n'est pas de mots assez cruels aujourd'hui pour en dénoncer les forfaits... mais avec une amnésie stupéfiante sur certains sujets. L'héritage technocratique de Vichy dans la France contemporaine continue en effet d'être jalousement préservé par ceux qui se montrent les plus critiques vis-à-vis de ce régime. Et cette mansuétude discrète soulève quand même quelques questions.
Et Vichy invente les amortisseurs sociaux
Lorsque Pétain prend le pouvoir, la situation sociale du pays est cataclysmique. Les combats ont déplacé près de 10 millions de Français, près de 2 millions d'hommes sont prisonniers et emmenés en captivité, l'occupation militaire paralyse l'activité économique.
Pour éviter une implosion complète du pays, le pouvoir doit mettre rapidement en place des amortisseurs sociaux destinés à rendre plus supportable la crise profonde qui saigne le pays. Les mesures prises alors sont bien connues: création de caisses primaires immatriculant tous les Français (devenues CPAM par la suite), création d'une retraite obligatoire par répartition pour les vieux salariés. Cette politique, qui permet de créer la CNAVTS en 1941, sera intégralement reprise et approfondie par les acteurs de la Libération, en 1944 et après.
Cette politique nationalise en quelque sorte, pour la mettre au service de la paix sociale, une protection sociale créée en 1928, dont le fondement était l'obligation d'assurance mais la liberté d'affiliation (on doit s'assurer, mais on choisit son assureur). Le régime de Vichy a très bien compris qu'il fallait s'attacher les Français par un lien de "solidarité" pour se maintenir.
Sécurité Sociale et rafle du Vel d'Hiv
Il est donc de bon ton aujourd'hui d'expliquer que "la France" a fait le Vel d'Hiv, sans jamais citer (comme le Président Macron est parvenu à le faire) le rôle de l'Allemagne dans l'obsession antisémite de Vichy. Tout se passe d'ailleurs comme si la France était la cause unique de la Shoah et comme si c'étaient des soldats français qui avaient liquidé en masse des Juifs sur le front de l'Est.
Si autant de Français ont accepté l'ordre de Vichy, il y avait bien une raison. Celle-ci tient d'abord à la politique sociale du régime qui a visé à "protéger" le pays. Je vous protège, en échange, vous me laissez liquider les Juifs, les Francs-Maçons, les homosexuels, et autres groupes jugés indésirables par les technocrates au pouvoir.
En étatisant la protection sociale, Pétain n'agissait donc pas par hasard. Il mettait en place un système qui a fait des émules par la suite, et donc la logique n'a pas changé. Elle permettait de susciter une adhésion massive au régime, quel qu'il soit. C'était au fond une vision et une version heureuse de la servitude par la mise en oeuvre du Big Mother appelé la sécurité sociale.
La technocratie adore la Sécurité Sociale
Depuis Vichy, la technocratie française a très bien compris le parti qu'elle pouvait tirer de cette mise sous contrôle de la société par la perfusion d'aides sociales en tous genres. C'est pourquoi, depuis 1941, les progrès de la Sécurité Sociale sont systématiquement liés à l'intervention de hauts fonctionnaires, et procèdent par ordonnances.
Sous couvert de protéger, il s'agit encore et toujours de contrôler et d'asservir.
Là où tous les pays occidentaux ont fait le choix d'ouvrir la protection sociale à la diversité et à la responsabilité, la France s'obstine à placer tous les pouvoirs entre les mains de Léviathan. Macron ne fait pas exception, et c'est probablement pour mieux le faire qu'il cherche l'absolution en critiquant Vichy avec autant de mauvaise foi.