Depuis fort longtemps, les salariés d'IBM France - qui sont un peu moins de 7000 aujourd'hui - sont couverts par un régime frais de santé de groupe, dont la Mutuelle IBM est l'assureur. A la faveur de la transformation du régime en un contrat responsable, la direction a tenté d'introduire le courtier AON dans la partie, en lieu et place de la mutuelle maison. En vain mais, à quel prix ?
Les équilibres en cause
C'est durant le premier semestre 2016 que la direction d'IBM France a lancé l'offensive contre les équilibres traditionnels de la santé en vigueur dans l'entreprise. Profitant de la nécessité de transformer le régime collectif en un contrat responsable, l'employeur a unilatéralement dénoncé le régime existant. Plus encore, il a souhaité en rebattre tout à fait les cartes en faisant appel au courtier anglo-saxon AON. Autant dire qu'à ce moment-là, la Mutuelle IBM, qui emploie une bonne vingtaine de salariés détachés d'IBM, voyait son horizon s'assombrir sérieusement. D'après la CGT, minoritaire chez IBM France, ces manoeuvres de printemps étaient notamment destinées à réduire la voilure du régime d'entreprise, en créant un régime à plusieurs vitesses.
Malgré les protestations syndicales ayant accompagné ses premiers mouvements, la direction a confirmé ses intentions. Elle a lancé un appel d'offres pour le futur nouveau régime et, dans un premier temps, a retenu trois candidatures : la Mutuelle IBM, Axa et Generali. Même si tout n'était pas perdu pour la Mutuelle IBM, sa position apparaissait plus fragile que jamais. Parallèlement à cela, l'employeur a avancé le schéma du futur nouveau régime. Le régime de base s'articulerait avec des options intégralement financées par les salariés d'une part et IBM France prévoyait de se désengager largement du financement des cotisations des conjoints, des enfants et des enfants d'autre part. Le nouvel opérateur du régime devait être choisi pour le 1er janvier 2017.
Des plans revus... à la marge
Bien que très décidée à remettre rapidement en cause le régime santé maison, la direction a fait face à divers contretemps. Elle a dû reporter à mi-2017 la mise en place du nouveau régime. La CFDT a profité de ce délai pour faire ses calculs. L'évolution du régime santé va rapporter "deux millions d'euros" à l'employeur. "Deux millions qui seront, une fois de plus, rapatriés aux US pour les actionnaires" commente le syndicat. Il s'insurge en outre contre la "suppression de toutes les prestations sociales", liées au handicap ou à la dépendance par exemple, le "doublement des cotisations conjoints" et le "triplement des cotisations enfants". Autrement dit, en matière de santé, le second semestre 2017 ne s'annonçait pas sous les meilleurs auspices pour les salariés d'IBM France.
Face à une telle déroute en rase campagne, les syndicats s'attendaient évidemment au pire quant au choix du nouvel assureur du régime. C'est lors du comité central d'entreprise qu'IBM France a annoncé le nom de l'heureux élu aux syndicats - décidément tenus tout à fait à l'écart du processus. Il s'agit... de la Mutuelle IBM ! Exit donc Axa et Generali, qui avaient pourtant les préférences d'AON. Ce développement inattendu aurait été destiné à calmer les syndicats, passablement irrités par l'affaire du régime santé. La direction, qui venait de l'emporter sur l'essentiel : la réduction du coût de la complémentaire santé maison, pouvait bien faire un geste gratuit d'apaisement social. Les syndicats peuvent se consoler en pensant au sort des 22 salariés de la Mutuelle IBM.
Reste à savoir si celle-ci peut continuer à escompter un avenir prospère malgré la dégradation des paramètres du contrat de son principal client...