Comme nos lecteurs le savent, le déploiement du régime frais de santé des intérimaires s'effectue laborieusement. Alors que l'assureur et le gestionnaire du régime - l'AG2R et la Siaci - se montraient confiants, en septembre, quant à sa mise en place effective à court terme, de graves dysfonctionnements demeurent... qui sont loin de déplaire à certains autour de la table.
Un régime étonnamment sous-utilisé
Dans l'intérim, l'un des principaux dossiers du moment, c'est la santé et la sécurité au travail des personnels. Très remontée, la CGT, première organisation de la branche (environ 33 %) a récemment lancé une campagne nationale de mobilisation et d'information à ce sujet. Dénombrant, pour l'année 2014, quelque 40000 accidents du travail, au cours desquels 64 salariés ont trouvé la mort, la CGT en conclut que "presque 40 000 intérimaires ont été sacrifiés sur l’autel du profit des entreprises". Le sujet est si sensible dans la branche qu'il a fini par donner lieu à l'ouverture d'une négociation paritaire. Dans ce contexte tendu, le régime frais de santé pourrait jouer un rôle non négligeable, à toutes les étapes de la prise en charge des salariés.
Hélas, tout indique qu'il est loin de pouvoir entrer ainsi dans la boucle. Certes, le nombre de cotisants au régime a atteint son rythme de croisière, à environ un million de salariés. En outre, alors même que les partenaires sociaux n'ont pas pu recourir à une désignation, le taux de mutualisation du régime est élevé. Malgré ces deux éléments, le régime de l'intérim est très nettement sous-utilisé par ses bénéficiaires. En cause : les difficultés rencontrées par les cotisants afin de devenir de vrais ayants droit. Par manque d'information ou du fait de la mauvaise organisation de la diffusion des cartes de tiers-payant, seuls 100000 salariés cotisent au régime et l'utilisent effectivement. Les cotisations des autres salariés ne sont pas, pour autant, perdues pour tout le monde.
Des réserves très confortables
L'écart considérable entre le nombre de cotisants et le nombre d'ayants droit convient d'une part à l'assureur de référence du régime. La CGT dénonce vivement le niveau des réserves accumulées par l'AG2R : "Le "trésor de guerre" amassé par les assureurs s’élève à 80 millions d’euros". Un montant qui, il est vrai, est particulièrement important dans le cas d'un régime frais de santé, qui plus est récent. Le géant paritaire ne refuse évidemment pas un tel apport de liquidités, qui fait bel effet dans le bilan comptable... Au rythme actuel de fonctionnement du régime : 10 millions d'euros de recettes mensuelles et 2 à 3 millions de dépenses mensuelles, il n'est pas près d'arrêter d'accumuler de très confortables réserves financières.
Cette santé insolente n'a pas échappé aux représentants patronaux du Prism'emploi. D'après nos informations, il auraient récemment obtenu la baisse du taux d'appel des cotisations, à 60 %. La CGT s'insurge contre cette orientation, estimant que, de concert avec les assureurs, les employeurs préfèrent faire des économies sur le régime plutôt que de communiquer en interne sur son existence afin de favoriser sa diffusion et donc son utilisation. "Le patronat de l’intérim se montre plus préoccupé par les dividendes des actionnaires et les taux de profit, que par la vie des salariés" fustige la CGT. A moyen terme, elle craint un véritable "sabordage" du régime par les employeurs. Les millions de l'intérim n'ont pas fini de faire parler d'eux !